Que sont « les atouts de carrière » ?
L’expression « atouts de carrière » désigne ce qui permet de gagner de l’argent et découle d’avoirs intangibles qu’un conjoint a acquis au cours de la vie conjugale, y compris la réputation personnelle, qualification et situation professionnelles, un diplôme d’études, une licence professionnelle, un titre professionnel, etc. Dans la vie concrète, ces avoirs permettent à celui qui les possède d’améliorer sa valeur professionnelle.
Est-ce que les atouts de carrière sont des biens à équilibrer / à partager entre les conjoints ?
De manière générale, le droit israélien reconnaît le droit de chaque conjoint à la moitié des biens acquis au cours de la vie conjugale, qu’il s’agisse de conjoints soumis au régime de la communauté ou qu’il s’agisse de conjoints soumis à la loi des rapports financiers entre conjoints, qui s’applique aux époux mariés à partir du 1.1.1974.
Par conséquent, la question se pose de savoir si les atouts de carrière, à savoir qualification et situation professionnelles, constituent un « capital » à partager entre les conjoints.
Le principal argument en faveur du partage des atouts de carrière entre les conjoints découle de raisons d’égalité et de justice.
C’est-à-dire que si l’un des conjoints s’est investi pour élever les enfants et prendre soin de la cellule familiale (ci-après : « le conjoint intérieur »), permettant à l’autre d’aller travailler hors de la maison et de s’investir professionnellement et développer ses affaires, etc. (ci-après : « le conjoint extérieur »), de telle manière qu’au moment de la séparation, la capacité de celui qui est sorti travailler hors du foyer est nettement supérieure à celle du conjoint intérieur, ne pas partager les atouts de carrière constituerait une disparité et une injustice vis-à-vis du conjoint intérieur.
Entre autres arguments contre le partage des atouts de carrière (qualification et situation professionnelles)
- Il s’agit d’atouts personnels (personnels, dans le sens qu’ils sont inséparables de la personne elle-même) et les reconnaître constitue une aliénation d’une personne à une autre.
- Il existe une difficulté intrinsèque à chiffrer la valeur financière des atouts de carrière qui sont des biens intangibles qui ne se prêtent pas à une estimation, au contraire des biens financiers que l’on peut évaluer exactement.
- Il existe une difficulté intrinsèque à isoler la valeur des atouts de carrière acquis seulement au cours de la période du mariage / de la communauté.
La position du droit israélien dans le domaine de la jurisprudence familiale en ce qui concerne le partage des atouts de carrière (qualification et situation professionnelles)
Aujourd’hui, le droit du conjoint aux atouts de carrière a été reconnu officiellement par le droit israélien, bien que la Haute Cour de Justice ait relevé des difficultés concernant le partage des biens en question et ait même déterminé que la manière de les partager doit se faire, du fait de leur nature, d’une manière différente de celle par laquelle s’effectue le partage des biens tangibles.
La Haute Cour de Justice a exprimé, qu’elle ne voyait aucune raison pour que les atouts de carrière ne constituent pas un capital à partager et que les principes du régime de communauté doivent s’appliquer également à des biens de ce type et, selon les mots de la Haute Cour de Justice: (4623/04)
« Le régime de communauté nous commande que, pour des conjoints menant une vie conjugale normale, un bien acquis par un effort commun est réputé comme appartenant à tous deux à parts égales. Etant donné ce que nous venons de dire et ce que nous pourrons encore ajouter, nous ne voyons aucune raison véritable, d’une manière générale, de ne pas appliquer aussi bien la logique inhérente de cette réputation au bénéfice des « atouts de carrière ». Il est sûr que les expressions « communauté » et « propriété » ne s’appliquent pas dans toute leur ampleur aux « atouts de carrière ». L’autre conjoint n’a pas qualité de propriétaire sur une partie des capacités de l’autre conjoint à gagner de l’argent. Notre objet ne consiste pas à appliquer la réputation de la communauté au sens propre, mais du point de vue des conséquences découlant de la logique qu’elle comporte en ce qui concerne les « atouts de carrière ». Comme il sera encore expliqué plus bas, selon le principe du régime de communauté, il ne convient pas de refuser à un conjoint sa part des résultats des atouts de carrière de l’autre conjoint, et ce en raison de la contribution et de l’assistance qu’il lui apporte, c’est-à-dire : en raison de la part du lien conjugal dans l’amélioration de sa capacité à gagner de l’argent. »
Avenant numéro 4 à la loi des rapports financiers du 12 novembre 2008.
L’article 8 du quatrième avenant à la loi des rapports financiers stipule que :
« Au cas où la Cour de justice civile ou religieuse considère des circonstances particulières qui la justifient, elle peut, à la demande d’un des conjoints – si le jugement concernant les rapports financiers n’a pas été rendu dans le verdict de dissolution du mariage – accomplir une ou plusieurs des actions suivantes dans le cadre de l’égalisation des ressources :
(2) Décider que l’équilibre concernant la valeur des biens, dans leur totalité ou pour une partie de ceux-ci, ne soit pas moitié-moitié, mais dans un rapport différent déterminé en tenant compte, entre autres, des biens à venir, y compris la capacité de chacun des conjoints à gagner de l’argent. »
En fait, dans cet avenant, le législateur dispose que la Cour, lorsqu’elle est amenée à juger un conflit entre conjoints, peut effectuer des compensations en utilisant ce que le législateur appelle les « biens à venir » pour créer un équilibre entre les biens des conjoints.
Ainsi, par exemple, dans les cas où les conjoints n’ont pas amassé des biens tangibles, tels que des biens immobiliers, et le principal capital qu’ils ont acquis est la possibilité importante de l’un des conjoints à gagner de l’argent, la Cour peut décider que l’autre conjoint a droit à une part des atouts de carrière (qualification et situation professionnelles) par paiement périodique. De cette manière, la Cour est en mesure de créer un équilibre entre les conjoints et d’obliger le conjoint qui a acquis la capacité de gagner de l’argent de payer sa dette à l’autre par un paiement périodique, de façon à ne pas lui rendre la charge trop difficile. Cet équilibre peut aussi permettre la séparation des conjoints.
Le principe de la “disparité importante”
Pour qu’il soit possible de partager ou d’équilibrer les atouts de carrière (qualification et situation professionnelles), il leur faut constater une disparité importante, c’est-à-dire un écart conséquent entre la capacité des conjoints à gagner de l’argent. Ainsi, par exemple, dans le dossier 4623/04 susmentionné, il est question d’un époux qui est expert-comptable, propriétaire d’un cabinet de comptabilité indépendant, et d’une épouse qui est conseillère pédagogique. La Cour des affaires familiales a décidé, dans cette affaire, que la capacité considérable du défendeur à gagner de l’argent a été acquise grâce aux efforts communs des conjoints, l’épouse contribuant à ces efforts communs en libérant son conjoint des soucis domestiques et en élevant les enfants, et elle lui a permis de développer sa carrière de comptable indépendant.
La difficulté à partager les atouts de carrière (qualification et situation professionnelles)
Les atouts de carrière constituent un capital personnel, inséparable de la personne, et en tant que tels ils sont difficiles à partager. Dans le dossier 4623/04, la Haute Cour de Justice a décidé que la manière de procéder au partage s’effectuerait en considérant l’écart créé entre les conjoints à la suite du mariage, et en procédant à un rééquilibrage par de l’argent ou un équivalent d’argent. Cela devant se faire après déduction de la contribution à l’écart due aux talents personnels, ainsi que la contribution apportée avant les liens conjugaux ou après leur dissolution. « La part restante est le produit des efforts communs, et c’est ce qu’il faut partager de manière ordinaire entre les conjoints à parts égales. Cependant il convient de tenir compte de données supplémentaires, parmi lesquelles : la durée des liens conjugaux, l’âge des conjoints et leur espérance de rémunération, la différence de revenus entre les conjoints – du début à la terminaison des liens conjugaux – les données relatives à leur éducation respective et leur acquisition d’expérience et de réputation, ainsi que la composante de renonciation consentie par chacun des conjoints en faveur de l’autre – pour autant que l’on puisse situer cette composante. »
Comment peut-on partager les atouts de carrière (qualification et situation professionnelles)? – Un paiement périodique ou un paiement forfaitaire.
Il y a deux possibilités quant à la manière d’effectuer le paiement pour la compensation des atouts de carrière (qualification et situation professionnelles). Un paiement périodique ou un paiement forfaitaire. L’avantage d’un paiement périodique est la possibilité d’ajuster le paiement aux variations de vie professionnelle du conjoint extérieur. S’il cesse de travailler, alors cela peut s’exprimer dans les paiements. En outre, cette méthode n’impose pas une charge excessive au conjoint extérieur, dans la mesure où cela ne l’oblige pas à un seul paiement important qu’il lui sera difficile à réaliser.