PRÉLÈVEMENT DE SPERME POST-MORTEM

Le prélèvement de sperme post-mortem et sa réglementation en Israël

D’un point de vue légal, le processus commence par une demande auprès du tribunal – l’accord du juge devant être donné dans un délai de 24 heures pour que l’on puisse prélever le sperme dans les 24-36 heures à compter du décès.  À l’heure actuelle, compte tenu du nombre de soldats tombés au combat et des multiples demandes de prélèvement de sperme post-mortem, la Procureure générale a récemment décidé d’accélérer la procédure en émettant une ordonnance sans précédent. Cette ordonnance permet de prélever le sperme sans attendre l’accord préalable du juge et uniquement en ayant reçu l’accord des membres de la famille. Ces derniers doivent signer un formulaire en vertu duquel ils déclarent ne pas avoir connaissance de l’existence d’une opposition du défunt et de ses proches à cette procédure.

La question du prélèvement et de l’utilisation du sperme du défunt soldat n’est pas réglementée par la loi, mais par une directive du Procureur général datant de 2003. Cette directive stipule que seule la conjointe du défunt peut demander de recevoir de la part du tribunal l’autorisation d’utiliser le sperme de son défunt compagnon, et ce, en prenant en considération le désir du défunt d’avoir des enfants ou non, en particulier après son décès, en fonction des circonstances de chaque cas et des témoignages des proches du défunt. Il ressort également de la directive que les parents du défunt n’ont aucun droit, ni statut juridique concernant l’utilisation du sperme de leur fils après son décès.

Dans la mesure où il n’existe pas de loi sur la question, la décision est soumise au pouvoir discrétionnaire des juges. Ces juges examinent la volonté de la famille, le droit de la personne sur son corps et essaient d’évaluer la volonté du défunt. À ce stade, la famille doit prouver que le défunt voulait des enfants.

Le droit israélien s’attache donc à vérifier quelle était la volonté supposée du défunt. Voulait-il avoir des enfants ou non ? Dans le cas d’un défunt décédé d’un cancer et ayant congelé son sperme, il va de soi qu’il souhaitait utiliser son sperme. Cependant, le fait pour lui d’avoir congelé son sperme n’implique pas automatiquement la volonté d’une utilisation post-mortem mais peut-être d’une utilisation après sa guérison. Un conflit peut donc naître entre la volonté de la famille du défunt et l’absence d’instructions spécifiques laissées par le défunt quant à l’utilisation post-mortem de son sperme.

Plusieurs jurisprudences ont été rendues à ce sujet.

  1. LA JURISPRUDENCE ET LE PRÉLÈVEMENT DE SPERME POST-MORTEM

La Cour suprême a débattu sur la question en 2016 et a établi une règle directrice basée sur la directive du Procureur général susvisée de 2003. Conformément à cette règle directrice, en l’absence d’instructions explicites du défunt, et à condition que ce dernier avait une compagne permanente avant son décès, seule celle-ci pourra utiliser son sperme. L’on présume donc que le défunt souhaitait avoir des enfants avec sa compagne permanente.

Dans une décision datant de septembre 2016 le tribunal familial de Petah Tikva a autorisé les parents endeuillés du défunt capitaine Omri SHAHAR za’’l, tombé comme soldat lors de son service permanent, à utiliser le sperme de leur fils dans le cadre d’une procédure de mère porteuse – les parents du défunt soldat étant ceux qui élèveront l’enfant en tant que grands-parents sans implication d’un parent biologique. La compagne d’Omri SHAHAR za’’l a apporté son soutien à la demande des parents endeuillés de féconder le sperme de leur défunt fils, par l’intermédiaire d’une mère porteuse et d’élever l’enfant eux-mêmes, mais elle n’a pas souhaité concevoir et devenir mère à partir du sperme de son défunt compagnon.

Malgré cela, dans un appel déposé par le Parquet auprès de la Cour Suprême, il a été déterminé que les parents ne pourraient pas utiliser le sperme de leur fils décédé dans le but d’avoir un petit-enfant par l’intermédiaire d’une mère porteuse qui n’est pas la conjointe du défunt. La Cour d’appel a donc réaffirmé ses précédentes décisions dans lesquelles il avait été fixé que seule la conjointe pourrait utiliser le sperme à des fins de fertilisation et donc de devenir mère. La Cour suprême a ajouté et déclaré qu’il n’y a pas lieu de briser les limites du principe sous-tendu dans la directive du Procureur général de 2003, selon lequel tant que le défunt n’a pas exprimé son désir exprès concernant le prélèvement et l’utilisation de son sperme après son décès, l’utilisation du sperme ne sera autorisée qu’à la demande de sa partenaire et uniquement dans le but que cette dernière féconde.

En 2017, la question de l’utilisation du sperme d’un militaire de 22 ans en service régulier, décédé d’une maladie incurable et sans conjointe, a été évoquée. Il a été déterminé que dans un tel cas, il ne fallait pas se contenter de la volonté présumée du défunt, mais prouver sa volonté expresse d’utiliser son sperme après son décès. Le tribunal a autorisé les parents du défunt à soumettre une demande en ce sens au tribunal, à condition qu’il existe une femme disposée à concevoir à partir du sperme du défunt soldat et à être la mère de l’enfant à naître.  Dans le jugement rendu, il fut indiqué qu’une telle décision serait acceptée après qu’un rapport des services sociaux ait été rendu et qu’un accord réglementant le statut des parents du défunt – reconnus comme grands-parents de l’enfant à naître – ait été soumis à la mère d’intention.

En 2020, la Cour suprême a réaffirmé sa jurisprudence coutumière concernant l’utilisation du sperme du défunt après son décès, même si la personne décédée n’avait pas de compagne – le critère déterminant étant le désir exprès ou supposé du défunt qu’une telle utilisation soit faite de son sperme après sa mort.

Toutefois, en raison de la guerre, les médias ont annoncé le 11.10.23 qu’une nouvelle directive avait été émise par la Procureure générale en vertu de laquelle il serait possible, dans certains cas, de prélever du sperme sur des soldats décédés même si la demande émanait des parents du défunt. Cela se limite, toutefois, au prélèvement de sperme et à sa conservation et non à son utilisation – à condition que la conjointe ou l’un des parents du défunt ne s’y soit pas opposé – et ce, afin de permettre le prélèvement en question dans les meilleurs délais. L’utilisation du sperme prélevé sera, en tout état de cause, soumise aux décisions du tribunal.

b) PRÉLÈVEMENT DE SPERME POST-MORTEM ET IDENTITÉ DU DONNEUR

Aujourd’hui la plupart des femmes qui reçoivent un don de sperme ne connaissent pas l’identité de leur donneur. Or, dans le cas d’un prélèvement post-mortem et d’une utilisation post-mortem à la demande de la famille du défunt, la femme receveuse a des données concernant le défunt. Le nouveau-né aura également une famille du côté du père, ce qui consiste en un soutien émotionnel et financier.

LA SOCIÉTÉ ET LE DON DE SPERME POST-MORTEM

Beaucoup s’opposent à l’utilisation du sperme d’un défunt par crainte que l’enfant ne devienne un « monument commémoratif ». En revanche, dans un monde où la monoparentalité est acceptée, il peut en réalité y avoir un avantage entre une parentalité post-mortem où le don de sperme n’est pas anonyme – avantages sur le plan psychologique, jouissance d’une famille élargie et autres avantages.

Selon moi, si des enfants n’ayant pas de père (famille monoparentale, etc.) arrivent à s’intégrer et à être intégrés, il n’y a pas de raison à ce que des enfants issus d’un don de sperme post-mortem ne s’intègrent pas ou ne soient pas intégrés. De plus, de nos jours, il existe de plus en plus de mères solos. Aussi, dans ce cas précis, l’enfant est né via un don de sperme post-mortem d’un soldat tombé au combat, on connaît donc l’identité du père. Cet enfant pourra être fier de son père qui a donné sa vie pour défendre l’État d’Israël.

Par ailleurs, Israël soutient fortement la natalité et la question d’un prélèvement et d’une utilisation post-mortem va de pair avec le souhait d’influer positivement sur le taux de natalité.

BIEN- ÊTRE DE L’ENFANT ISSU D’UN DON DE SPERME POST-MORTEM

La question du bien-être de l’enfant orphelin de naissance n’a pas été débattue de façon approfondie dans la jurisprudence et dans la directive du Procureur général. Les grands-parents désirant un petit-enfant issu du sperme de leur fils décédé sont parfois confus. Il est difficile, dans un cas si tragique, de distinguer la réelle volonté du soldat défunt de celle de ses parents endeuillés. C’est particulièrement le cas quand le soldat est décédé très jeune. Le défunt soldat a-t-il vraiment envisagé, de son vivant, la possibilité d’utilisation de son sperme après son décès ?

LE PRÉLÈVEMENT DE SPERME POST-MORTEM DEPUIS LE 7 OCTOBRE/LE DÉBUT DE LA GUERRE

D’après les médias, le ministère de la Santé a récemment établi un centre où sont reçues toute les demandes de prélèvement de sperme post-mortem. Il envoie, ensuite, les demandeurs dans les hôpitaux respectifs (Beilinson, Sheba, Ichilov, Assaf Harofeh). Dans chacun de ces hôpitaux, il existe un centre qui s’occupe en urgence des demandes 24h/24. D’après les médias toujours, Tsahal (IDF) a également commencé à s’occuper de ce type de demandes. Lorsque Tsahal (IDF) vient annoncer aux proches le décès du soldat tombé au combat, le représentant de l’armée explique à la famille la possibilité de prélever le sperme et toutes les informations leur sont communiquées.

D’après les médias encore, les médecins chargés du département fertilité des principaux hôpitaux israéliens constatent une récente et fort importante augmentation des demandes de prélèvement de sperme de la part d’hommes mariés, avant d’aller à la guerre. Ils font donc cette demande, de leur vivant et à titre préventif, dans le cas où ils décéderaient. Bien sûr, des soldats non mariés ou célibataires font également cette demande. Cependant, comme précisé ci-dessus, il s’agit, la plupart du temps, d’hommes mariés ou qui ont déjà une famille. Le protocole consiste en la signature d’un document en vertu duquel ils expriment leur volonté que leur sperme soit utilisé dans le cas où ils viendraient à décéder dans le cadre de leur service militaire.

PRÉLÈVEMENT DE SPERME POST-MORTEM ET PROJET DE LOI

Il existe un projet de loi sur le prélèvement post-mortem datant de 2022 (donc avant la guerre du 7.10.23).

Le projet de loi vise à permettre aux soldats ayant perdu la vie dans le cadre de leur service militaire, de laisser une descendance, et à permettre l’utilisation de leur sperme dans le but de donner la vie à un nouveau-né, et ce, à la demande de leur conjointe permanente ou de leurs parents endeuillés. Ce projet de loi réglemente donc la continuité d’un soldat décédé pendant son service militaire, en donnant le droit de prélever son sperme après sa mort et de l’utiliser pour la naissance d’un enfant. Ce droit est conféré à la compagne permanente du soldat décédé – si le soldat ne s’y est pas opposé de son vivant – ou à ses parents – en l’absence d’une compagne ou du consentement de celle-ci.

Le projet de loi repose sur l’hypothèse qu’une personne souhaite voir sa lignée se poursuivre et avoir des descendants. Cette hypothèse est particulièrement vraie pour une personne mariée ou vivant en couple (ce qui suffit à prouver son désir d’avoir une lignée). Ce projet de loi s’inscrit dans la continuité de l’obligation de la société de respecter la volonté du défunt d’avoir une lignée.

Comme précisé dans ce projet de loi, la conjointe permanente pourra utiliser le sperme du soldat décédé pour donner naissance à un enfant. Par ailleurs, en l’absence d’une conjointe et si le soldat décédé n’avait pas d’enfants, le projet de loi autorise également les parents endeuillés à utiliser le sperme afin de féconder les ovules d’une femme donneuse – qui n’est pas la conjointe permanente – et de poursuivre la lignée du soldat tombé au combat. Et ceci, à condition de ne pas avoir apporté la preuve que le défunt soldat s’y soit opposé de son vivant.

La législation comprend également des instructions pour la future réglementation avec la formulation de protocoles qui seront déjà intégrés dans la procédure d’enrôlement dans l’armée et dans l’armée de réserve – où les soldats pourront exprimer leur volonté à l’avance, s’ils souhaitent ou non autoriser le prélèvement de leur sperme et son utilisation au cas où ils seraient tués pendant leur service.

Le projet de loi actuel règle la question pour la première fois. En outre, il réglemente, dans la loi, le statut de l’enfant né au cours de ces processus afin qu’il soit enregistré comme enfant du défunt, et définit également le statut de la conjointe permanente ou de la future mère.

PRÉLÈVEMENT DE SPERME POST-MORTEM DANS LE MONDE ET TESTAMENT EN CE SENS

La plupart des pays occidentaux interdisent l’utilisation de sperme post-mortem (entre autres,l’Allemagne, la Suède, l’Italie, la France, le Canada, la Hongrie, la Norvège, la Malaisie et Taïwan). Israël et plusieurs états des États-Unis sont considérés comme avancés sur le sujet.

Il est important de pointer l’existence d’un testament permettant de léguer son sperme. Dans ce testament, le testateur exprime sa volonté en vertu de laquelle son sperme sera prélevé, lors de son décès, et sera utilisé par la suite.

Ce testament est considéré comme tout autre testament. La seule différence, c’est qu’il fait référence au désir d’une personne de léguer à ses proches son matériel génétique de sorte qu’il puisse, après son décès, avoir une lignée. Ce matériel génétique fait référence au sperme, aux ovules et aux embryons d’une personne qui ont un potentiel vital et pourront être utilisés, même après le décès de cette personne.

D’ailleurs, l’Angleterre, la Belgique et l’Australie ont permis, dans leurs pays, la rédaction de ce type de testaments dans lesquels figure une clause spécifique relative au prélèvement et à l’utilisation de sperme post-mortem.

CONCLUSION

Les conflits le plus compliqués surgissent quand le défunt soldat n’avait pas de compagne permanente ou que cette dernière s’est opposée à la demande de prélèvement de sperme post-mortem émanant des parents endeuillés.

D’une part, les parents endeuillés sont dévastés et la naissance d’un petit-enfant pourrait leur apporter un peu de consolation. D’autre part, l’État fait face à une situation dans laquelle les grands-parents n’ont pas de statut juridique quant à la mise au monde ou non d’un petit-enfant issu d’un prélèvement de sperme post-mortem. Il existe, certes, un droit à la parentalité mais il n’existe pas de droit à la grand-parentalité. La question fut, d’ailleurs, débattue dans le cas du Capitaine Shaked MEIR za’’l tombé au combat dans le Ramat Hagolan. Son sperme fut prélevé à la demande de ses parents. Lorsqu’ils ont voulu l’utiliser, la veuve du Capitaine Shaked MEIR za’’l, qui avait déjà fondé une nouvelle famille, s’y est opposée. Le tribunal familial et la Cour d’appel ont décidé en faveur des parents du soldat, mais finalement la Cour Suprême a statué en faveur de la veuve.

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