Abus des personnes âgées Me Liane Kehat

Abus des personnes âgées et outils de prévention de ces abus

L’abus des personnes âgées est un phénomène bien connu, d’autant plus lorsqu’il s’agit de personnes âgées et sans postérité. Toutefois, même les personnes âgées qui ont de la famille se retrouvent maltraitées, soit par des tiers, soit par les membres de la famille eux-mêmes. Parfois, la bataille pour l’héritage éclate alors même que la personne âgée est encore en vie, et l’on assiste à des cas dans lesquels la personne âgée est isolée par un tiers ou par l’un des membres de la famille qui la contrôle et ne lui permet pas d’être en contact avec le reste de la famille, notamment pour tenter de lui faire signer divers documents. Il existe également un phénomène, quoique moindre, d’abus par des professionnels dans lesquels les personnes âgées ont confiance et qui en profitent de diverses façons. Récemment, un jugement a été rendu dans lequel le testament d’un homme âgé, qui avait légué toute sa fortune à son avocat, a été annulé, le tribunal ayant estimé que la conduite de l’avocat constituait une influence abusive sur le défunt afin qu’il lui lègue tous ses biens et que le testament ne reflétait pas la volonté libre et véritable de ce dernier.

Il convient de rappeler qu’il existe différentes manières de se prémunir contre de tels actes.

Le législateur israélien a mis à notre disposition un certain nombre d’outils qui peuvent être utilisés afin de prévenir les abus envers les personnes âgées, notamment :

  • La procuration permanente : la procuration permanente a pour but de permettre à une personne de déterminer à l’avance comment et par qui ses intérêts seront gérés, lorsque celle-ci ne sera plus en mesure de prendre ses décisions seule. Bien qu’il ne remplace pas un testament, il permet d’éviter l’ingérence d’une personne non désirée dans les affaires d’une personne âgée.
  • Une aide à la prise de décision : il s’agit d’un outil qui sera utilisé lorsque la personne comprend encore de quoi il s’agit, mais qu’elle a besoin d’aide pour prendre des décisions importantes. Par exemple, une femme de 75 ans, qui a immigré de Roumanie il y a de nombreuses années, souffre d’un déclin cognitif dû à Alzheimer et d’un cancer du poumon. Elle est presque complètement isolée, sa sœur ayant été tuée dans un accident de voiture, et son argent étant convoité par deux nièces. Elle souhaitait s’occuper de son testament et de son patrimoine. Elle est soumise à des pressions et souhaite organiser elle-même ses biens. Le soutien dont elle avait besoin consistait en une aide pour la rédaction d’une procuration permanente et pour le testament, ainsi qu’une protection contre les abus. Ses nièces ont fait pression sur elle afin qu’elle vende son appartement et leur transfère son argent, bien qu’elle soit encore en vie, et son aide l’a soutenue afin d’éviter les abus. L’aide qui a été choisie par le procureur général est une enseignante dans l’éducation spécialisée, mariée et souhaitant faire du bénévolat. Elles se réunissent une fois par semaine, se tiennent au courant des précisions qu’elles ont obtenues, elles se connectent à l’application de la banque, ont un projet de tri et d’arrangement des photos à donner aux nièces etc. Lorsqu’elle a été hospitalisée, l’aide est venue lui rendre visite et l’a même nourrie. La femme âgée a été soulagée parce que les choses qui lui causaient du stress, tels que le testament ou la procuration permanente, avaient été réglées, ce qui lui donna une sensation d’action accomplie. Le rôle de l’aide est a priori terminé. Elle a aidé la personne âgée à prendre et mettre en œuvre ses décisions importantes, et ce lien est devenu une relation atténuant la solitude et d’amitié.
  • Le Trust : le trust est un outil dans le cadre duquel une personne peut planifier la garantie de sa vie ainsi que ce qui se passera après son décès. Il s’agit cependant d’un outil destiné aux familles aisées.
  • Consignes pour la désignation d’un tuteur qui constitue une alternative à la rédaction d’une procuration permanente. Une personne qui souhaite donner des consignes d’avance, au cas où il serait nécessaire de nommer un tuteur, peut établir un document donnant des instructions préalables. Ce document juridique permet à une personne de déterminer par qui et de quelle manière seront gérées ses affaires, si le tribunal venait à décider qu’un tuteur devait être nommé.

Un exemple d’abus par un ancien directeur d’une résidence pour personnes âgées qui a demandé à exécuter le testament d’une des résidentes de la maison de retraite, selon lequel lui et ses enfants hériteraient d’elle – le tribunal a rejeté sa demande et l’a condamné à payer 175 000 shekels de frais de justice

Un ancien directeur d’une résidence de logements encadrés a demandé l’exécution du testament de l’une des résidentes en sa faveur et celle de ses enfants : il a été débouté et condamné à des frais exemplaires. La défunte n’avait pas d’enfants et le directeur faisait preuve d’une attitude inhabituelle à son égard par rapport aux autres résidents, en lui achetant, entre autres, de la nourriture et des médicaments. Le juge a considéré que le directeur avait profité de la dépendance de la défunte à son égard pour broder le testament en sa faveur, et que ce dernier devait être invalidé en raison d’une implication inappropriée et d’une influence abusive.

L’affaire a débuté en 2000 lorsque la défunte, veuve et sans enfants, s’est installée dans le logement encadré faisant l’objet de la procédure. La même année, tout comme les 11 années suivantes, elle a effectué des testaments au profit de certaines personnes. En août 2015, elle a modifié ses précédents testaments et dans le troisième, elle a décidé de léguer l’ensemble de ses biens au directeur du logement encadré, et après sa mort, aux enfants de celui-ci. Environ cinq ans plus tard, elle est décédée.

Quelques jours après le décès de celle-ci, le directeur a déposé le testament auprès du greffe aux affaires successorales afin de le faire exécuter. Le logement protégé a, quant à lui, déposé une opposition au testament, à laquelle s’est ensuite joint le procureur général.

Le directeur a affirmé que la défunte était seule et sans liens familiaux, qu’il était la personne la plus proche d’elle, et qu’il était donc le seul héritier logique. Selon lui, il était avec la défunte comme une mère et son fils, et était le seul à prendre soin d’elle et lui rendre visite, et qu’il y avait donc lieu de conserver le testament tel qu’il a été fait.

Les opposants affirmaient en revanche qu’il ne s’était pas tissé de relation familiale entre la défunte et le directeur, si ce n’est des liens de dépendances toxiques. Selon eux, il aurait exercé une discrimination favorable envers la défunte par rapport aux autres résidents, dans la mesure où il lui achetait lui-même de la nourriture et des médicaments. Selon les opposants, les liens de dépendances créés entre le directeur et la défunte constituent une forte présomption d’influence abusive qui justifie l’invalidation du testament.

Le juge a considéré que l’examen des preuves démontrait l’existence d’une influence abusive et d’une implication inappropriée de la part du directeur dans la rédaction du testament, conduisant par conséquent à sa nullité.

Concernant l’influence abusive, le juge a souligné que la défunte était dépendante du directeur, bien au-delà d’une dépendance totale. Selon le juge, le fait que la défunte soit seule et sans famille ni amis proches, et qu’elle vive dans un logement encadré dont il avait la gestion, permettait à ce dernier d’exercer un contrôle presque total concernant la gestion de la vie de celle-ci.

Le juge a considéré qu’entre la défunte et le demandeur s’était tissé une relation unique, inhabituelle et différente des relations entre des parties du même type, car en réalité le demandeur était impliqué dans toutes les affaires de la défunte, jusqu’à créer une dépendance complète, entière et profonde, de la défunte à son égard.

Le juge a considéré que le directeur avait agi avec ruse afin de rendre la défunte dépendante de lui dans tous les domaines, pour finalement en profiter pour faire rédiger le testament en sa faveur. Ce faisant, il a ajouté la part prévue dans le testament en faveur des enfants du directeur, que la défunte n’a jamais connus, ce qui détruit la logique et complique encore sa recevabilité.

Concernant la question de l’implication inappropriée, le juge a estimé que le directeur avait en réalité organisé l’événement dans son ensemble, en coordonnant la venue d’une avocate qui avait rédigé le testament, qu’il avait réglé ses honoraires, lui avait donné ses coordonnées et celles de ses enfants, tout en s’assurant de faire venir des témoins qu’il avait choisis.

Dans ces circonstances il a été jugé que le testament n’était pas valide et qu’en raison de sa conduite inappropriée en tant qu’occupant un haut poste, le directeur paierait les frais de justice au profit du Trésor public et au logement encadré pour un montant total de cent soixante-quinze mille shekels (45,000 euros).

Pour conclure, il convient de bien réfléchir avant d’agir. Il est utile et souhaitable de planifier sa vieillesse afin de ne pas être à la merci de quiconque.

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