Quel est le nom qui sera gravé sur la pierre tombale d’une mineure, décédée, alors qu’elle n’était âgée que de deux ans et demi ?
Alors que la mineure était encore en vie, ses parents se sont querellés devant les tribunaux concernant le prénom de celle-ci et ont engagé une procédure judiciaire à ce sujet. Après son décès, le tribunal aux affaires familiales a dû se prononcer concernant un litige entre les parents quant au nom à graver sur la pierre tombale de leur fille. La mère avait demandé d’inscrire son nom complet (tel qu’il a été décidé dans le jugement rendu lorsque la mineure était encore en vie), incluant ses prénoms étranger et hébraïque et les deux noms de famille des parties. Le père s’est fermement opposé à l’inscription du prénom étranger. Il n’y avait pas de différend concernant l’inscription du nom de famille. Le père fondait son opposition concernant l’ajout du prénom étranger sur la pierre tombale, sur le fait qu’initialement, la mère avait attribué le prénom étranger de la mineure sans son consentement lorsqu’elle était à l’étranger (où était née prématurément la mineure) et alors qu’elle niait sa paternité; Et ce, considérant le fait que dans les derniers mois de la vie de la mineure, c’est lui qui s’est occupé d’elle avec dévouement tandis que la mère, d’après lui, s’est défait de sa responsabilité et n’a visité la mineure à l’hôpital que quelques fois, et même après son décès elle n’a pas aidé à s’occuper des démarches nécessaires. Selon lui, la manière dont le prénom de la mineure sera inscrit sur la pierre tombale permettra de corriger la grande distorsion causée par la mère du fait de sa conduite.
Quelles considérations guident le tribunal dans de telles affaires ?
La décision fondamentale rendue sur cette question a été rendue par la Cour Suprême au début des années 90 où il était question d’un homme décédé des suites d’une grave maladie alors qu’il était âgé d’une quarantaine d’années, laissant derrière lui une épouse et ses deux parents.
Les parents s’étaient opposés au mariage de leur fils avec son épouse, et, tout au long de leurs nombreuses années de mariage et jusqu’à son décès, les relations étaient restées difficiles. En l’absence de communication entre la veuve et les parents du défunt, celle-ci avait commandé une pierre tombale faite d’un marbre spécial, non standard dans sa forme, et avait choisi l’inscription sur cette dernière sans consulter les parents du défunt.
Les parents avaient saisi le tribunal plusieurs mois après l’érection de la pierre tombale, demandant qu’à la fois le marbre et l’inscription soient remplacés. Ils s’opposaient au marbre spécial choisi et à sa forme particulière qui limitait le nombre de mots pouvant être inscrits sur la pierre tombale.
Les parents ont demandé que soit érigée à la place une pierre tombale en marbre standard et que soit ajoutée également une plaque en marbre pour recouvrir la tombe, alors que la veuve l’avait laissée recouverte d’un parterre de fleurs. En outre, les parents ont déploré l’absence de mention des parents du défunt et d’indication des dates de naissance et de décès grégoriennes, en plus des dates hébraïques écrites par la veuve. Les parents se sont également opposés à la mention du surnom dont la veuve appelait le défunt, et ont demandé par ailleurs à ajouter le titre Maître devant son nom et ses liens familiaux dans la formule « notre cher mari, père, fils, frère et oncle ».
La volonté du défunt
Le tribunal a statué que le premier critère le plus important pour déterminer le libellé de la pierre tombale était la volonté du défunt, pour autant qu’elle puisse être retracée. Dans cette affaire, la veuve a convaincu le tribunal que l’inscription du surnom du défunt, ainsi que l’absence de mention de son titre d’avocat, étaient conformes à la volonté du défunt, d’après ses conversations et sa connaissance de celui-ci.
La dignité du defunt
En ce qui concerne les mentions pour lesquelles la volonté du défunt ne peut être connue, le tribunal a jugé que le deuxième critère le plus important était la préservation de la dignité du defunt. C’est la raison pour laquelle le tribunal a rejeté la demande des parents de remplacer la pierre tombale existante par une autre, et par conséquent, faute de place, a rejeté leur demande d’ajouter le détail des liens familiaux du défunt et les dates grégoriennes.
La dignité des vivants – c’est à dire la volonté de la famille du défunt qui souhaite honorer sa mémoire
Par ailleurs, le tribunal a jugé qu’il y avait lieu d’ajouter le nom des parents du défunt sur la pierre tombale. Dans ce contexte, le tribunal a rappelé le principe selon lequel « La pierre tombale n’est pas un bâtiment public, mais avant tout une marque et un lien personnel entre les vivants, qui conservent dans leur cœur le souvenir du défunt, et le défunt », et il n’est de chagrin plus grand pour des parents que le décès prématuré de leurs enfants. Le tribunal est également parti du postulat que cette décision était conforme à la volonté du défunt, à la lumière du principe découlant du commandement d’honorer son père et sa mère.
Quant à la mineure de deux ans et demi, chacun des parents – tous deux tuteurs naturels de la mineure – a fait valoir qu’il était celui qui représentait le mieux l’intérêt de leur fille concernant la manière d’écrire son prénom sur la pierre tombale. Le tribunal a clarifié qu’étant donné qu’il s’agissait d’une pierre tombale d’une mineure qui avait un retard de développement jusqu’à son dernier jour de sorte qu’elle ne pouvait s’exprimer elle-même ni sa volonté ; Cependant concernant la manière dont son entourage l’a traitée y compris par rapport à son prénom, l’on peut apprendre, par exemple, de l’examen des éléments du dossier que de manière générale l’on faisait référence à elle, en utilisant alternativement les deux prénoms, et dans certains en utilisant seulement le nom étranger. Ainsi, le tribunal a fait droit à la demande de la mère d’inscrire les deux prénoms de la mineure l’étranger et l’hébraïque sur la pierre tombale.
Article publié dans Israël Magazine