- Dans une décision rendue en avril dernier (2021), la Cour Suprême étend la possibilité pour les époux de bénéficier d’exonérations et d’avantages fiscaux lors de la vente ou de l’achat d’une résidence commune. Et ce, lorsque l’un des époux dispose d’un autre appartement dont il est le seul propriétaire.
L’arrêt publié traite d’une question importante qui s’est déjà posée plus d’une fois et à laquelle la Cour Suprême a été invitée à se prononcer, sur la manière dont un contrat de mariage affecte la question de la redevabilité ou non de l’un des époux, concernant les questions liées à la fiscalité immobilière.
Le jugement rappelle et se fonde sur un principe énoncé dans une jurisprudence antérieure connue sous le nom de jurisprudence “Shalmi” selon laquelle, lorsqu’il existe dans un contrat de mariage une séparation de biens entre les époux concernant un bien particulier, l’époux qui n’est pas propriétaire du bien pourra bénéficier de l’avantage fiscal lié à la vente ou l’acquisition d’un unique appartement. Tout comme le Tribunal aux affaires familiales veille au respect des contrats de mariage prévoyant la séparation de biens, l’administration fiscale est censée respecter l’accord des parties relatif à la séparation de biens et ne pas appliquer d’imposition au conjoint qui ne dispose pas de droits dans le bien.
- Le régime de la taxe d’acquisition et de l’impôt sur la plus value en Israël prévoit une exonération fiscale ou une imposition réduite concernant la transaction “d’une résidence unique”. Autrement dit, si les époux n’ont qu’une résidence en commun, ils bénéficieront des exonérations et avantages fiscaux au moment de l’acquisition ou de la vente de celle-ci.
Le litige fiscal émerge lorsque le couple vend ou acquiert un appartement en commun, alors que l’un d’eux possède de son côté un autre appartement dont il est seul propriétaire. La règle est que tant que le couple vit ensemble de manière constante, ils sont vus comme étant une seule entité du point de vue de la taxe d’acquisition et de l’impôt sur la plus value. En d’autres termes, ils sont considérés comme un seul vendeur ou acheteur. Ainsi, en l’espèce, étant donné que l’un des époux possède un autre appartement, fiscalement, l’autre époux est également considéré comme ayant un appartement supplémentaire, leur appartement commun n’est alors plus la seule résidence, et aucun d’eux ne peut prétendre à des exonérations et avantages fiscaux s’ils effectuent une transaction avec cet appartement.
Cependant, cette disposition comporte un certain nombre d’exceptions. L’une d’entre elles dégagée par la jurisprudence est liée à la règle de séparation de biens. Cela signifie qu’un couple qui a signé un contrat de mariage dans lequel il est précisé que certains biens déterminés n’appartiennent pas aux deux époux mais sont considérés comme des biens séparés et appartenant exclusivement à l’un d’entre eux.
L’exception, si applicable, fait référence au cas dans lequel un couple souhaite acquérir/vendre un appartement en commun, et où l’un des époux possède un appartement supplémentaire dans le cadre de la séparation de biens. Cette séparation figure dans le contrat de mariage, et il a été prouvé qu’elle n’est pas artificielle, fictive ou laissée de côté pendant la communauté de vie. Dans une telle situation, l’époux qui possède exclusivement l’appartement supplémentaire ne bénéficiera pas des exonérations et réductions d’impôts dans la transaction de l’appartement commun, puisqu’il ne s’agit pas de son seul appartement. Cependant, l’époux qui ne possède que l’appartement commun pourra bénéficier des exonérations et réductions d’impôts car en ce qui le concerne, il s’agit de son seul appartement.
- La problématique juridique traitée cette fois par la Cour Suprême est de savoir si l’époux qui ne possède que l’appartement commun bénéficiera des exonérations et réductions d’impôts pour la vente/l’acquisition de celui-ci. Et ce, également dans le cas où l’appartement qui n’est pas sa propriété, est celui dans lequel il vit avec son conjoint, et dans lequel ils partagent une communauté de vie. En d’autres termes, d’un point de vue fiscal, la résidence commune annule-t-elle la séparation de biens concernant cet appartement, de sorte qu’aucun des époux ne pourra bénéficier des exonérations et réductions fiscales.
Selon la décision de la Cour Suprême, un tel cas n’exclut pas la possibilité pour les époux de prouver une séparation de biens concernant l’appartement en question – et par conséquent, ils pourront bénéficier d’une exonération ou avantage fiscal partiel, pour l’époux qui ne possède pas l’appartement, concernant la transaction de leur appartement commun.
Il a été jugé que la charge de la preuve de la séparation de biens incombe aux époux. Dans le cas où ceux-ci doivent prouver que le contrat de mariage qui prévoit la séparation de biens concernant le bien a été réalisée légalement et n’a pas été abandonnée, il est possible de renverser la présomption légale concernant la loi sur la fiscalité immobilière selon laquelle les époux forment une entité économique. L’arrêt précise également, selon la majorité, le fait pour le couple d’habiter dans l’appartement ou la participation de l’un d’eux au financement de travaux dans l’appartement de l’autre, ne saurait signifier que le contrat de mariage a été abandonné entre eux et il n’y a pas lieu d’y voir une intention de créer un partenariat spécifique concernant l’appartement.
La Cour Suprême a rejeté la prétention de l’administration fiscale et a jugé que le contrat de séparation de biens était suffisant pour appliquer les déductions fiscales demandées lors des transactions immobilières d’une résidence unique. Dans la décision, rendue par le juge Ofer Grosskopf, il a été déterminé que même dans les cas où les époux ont leur résidence habituelle dans l’appartement qui n’appartient qu’à l’un deux, en tant qu’entité familiale, pour la communauté et sans maintenir une séparation entre leurs revenus et leurs dépenses, ils peuvent bénéficier de l’exonération et du taux d’imposition réduits au moment de la transaction concernant l’appartement qui est leur résidence commune. En d’autres termes, une séparation de biens partielle est suffisante en ce qui concerne la propriété immobilière uniquement, et la gestion économique courante en tant qu’entité familiale unique ne saurait priver de la possibilité de se prévaloir d’une exception liée à la séparation de biens.
- D’une part, la communauté juridique a accueilli favorablement la décision qui profite aux contribuables, d’autre part, la critique de la décision résulte du fait que le jugement oblige l’administration fiscale à s’immiscer dans la vie privée des époux.
Article paru dans Israël Magazine