Comment protéger vos biens propres vis-à-vis de votre conjoint?

En Israël, les relations patrimoniales entre époux sont réglementées selon deux régimes :

  1. « La présomption de communauté », qui n’est pas prévue par la législation mais qui est une création jurisprudentielle israélienne laquelle est applicable aux époux mariés avant le 1.1.1974 ou vivant en concubinage.
  2. Le régime d’équilibre des ressources prévu par la loi régissant les relations financières, qui s’applique aux couples mariés après le1.1974.

Ces deux régimes traitent du sort des « biens propres » qui n’appartiennent pas en commun aux époux, tels que les biens apportés par l’un des époux avant le mariage, les successions et les donations.

Bien que la loi régissant les relations financières exclut formellement ces biens de la communauté, il arrive que, dans la pratique, les tribunaux israéliens les incluent dans la communauté de biens.

Voici quelques idées concernant la façon d’agir afin de protéger vos biens propres vis-à-vis de votre conjoint(e) :

  1. La première option consiste à établir un accord financier qui exclura de manière explicite ces biens de la cellule familiale, quitte à le réactualiser de temps à autre, le cas échéant.
  2. Conservez le patrimoine personnel de manière séparée. Par exemple, vous avez hérité d’un appartement,déposez l’argent du loyer sur un compte séparé à votre nom.
  3. Vous avez hérité de fonds, conservez-les dans un compte séparé à votre nom.
  4. Vous souhaitez rénover l’appartement qui vous appartient séparément ? Utilisez des fonds séparés pour la rénovation. L’utilisation de fonds communs peut être interprétée comme une communauté de biens. Vous n’avez pas d’argent séparé ? Contractez un emprunt à votre nom et remboursez-le avec l’argent provenant des loyers du bien.
  5. Vous avez reçu de l’argent par le biais d’une donation ou d’un héritage et souhaitez rembourser un prêt hypothécaire commun ? Signez chez un avocat un accord établissant que l’argent vous reviendra avec la vente de l’appartement ou que les droits dans l’appartement seront répartis entre vous de manière inégale, en tenant compte de l’argent séparé que vous avez inséré dans le bien commun. Le partage en pourcentages différents préservera également la valeur de l’argent en cas d’amélioration du bien par la suite ou si les prix du marché venaient à augmenter.
  6. Vous avez apporté lors du mariage un appartement dans lequel vous avez décidé de vivre ? Établissez un accord qui réglemente la question de la résidence et de la propriété et faites-le homologuer par le tribunal. Fixez dans l’accord qu’en cas de séparation, l’appartement n’appartient qu’à vous et que l’autre partie s’oblige à le quitter. Dans le cas contraire, la partie qui n’est pas propriétaire pourra prétendre que l’appartement lui appartient également car vous y avez vécu et y avez élevé des enfants. Précisez dans l’accord qu’il s’agit d’un bien propre dont la rénovation et les investissements qui y ont été faits ne constitueront pas une preuve de propriété ni ne conféreront de droits à l’autre partie.
  7. Prenez volontairement la décision de ne pas vivre dans un bien qui a été reçu en héritage par l’une des parties.
  8. Il en va ainsi pour les parents du couple également. Il n’est pas rare que les parents désireux d’aider leur fils/fille marié(e), mettent à la disposition de la nouvelle famille un appartement ou logement qui leur appartient et est enregistré à leur nom. Lorsque le couple divorce, les parents peuvent se trouver assignés par leur gendre ou leur bru, qui revendiquent des droits sur le bien pour lequel les parents ont travaillé toute leur vie.

 

Exemples tirés de la jurisprudence israélienne

  1. Un différend entre un couple juif qui s’était marié lors d’une cérémonie privée (il s’agit en fait de concubins du point de vue de la loi israélienne) concernant un appartement enregistré au nom de l’épouse et acquis par son père avant le mariage. Le conjoint prétend être propriétaire de la moitié de l’appartement en vertu de la communauté de biens. Il soutient que, dès le début de leur vie commune, les parties ont vécu en communauté totale du point de vue financier. L’épouse l’a joint à son compte bancaire personnel qui est donc devenu un compte joint. D’après lui, il a rénové l’appartement, l’a préparé à la location et a, en outre, investi du temps et des ressources pour son entretien courant.

L’épouse a affirmé que l’appartement appartenait à elle seule. En effet, le conjoint n’a pas prouvé une quelconque intention de communauté concernant l’appartement. Selon elle, ils ont fonctionné avec des comptes séparés toute leur vie, et son conjoint ne l’a pas ajouté au compte qu’il utilisait ni n’a mis son patrimoine à disposition du couple.

Le tribunal aux affaires familiales de Hadera s’est rangé du côté de l’épouse et a rejeté la demande de l’époux. Le tribunal a statué que l’application de la présomption de communauté ne se ferait pas de manière « automatique », en particulier lorsque le conjoint n’est pas parvenu à prouver qu’il avait effectivement investi de l’argent dans l’appartement au fil des années ou qu’il y avait en effet une communauté totale.

  1. Dans une autre affaire, un couple s’est séparé après 38 ans de mariage, au cours duquel ils ont vécu et élevé leurs enfants dans un appartement acheté par les parents de l’épouse avant le mariage et inscrit à son nom. Lors de la séparation, un différend a surgi entre les époux quant à savoir s’il s’agissait d’un bien commun. Le couple n’avait pas conclu d’accord écrit concernant le bien, et l’époux a fait valoir qu’il y avait lieu de retenir une intention spécifique de communauté et de déterminer qu’il était éligible à la moitié des droits. Il a souligné que l’appartement avait servi de résidence aux parties de manière continue sauf pendant une période de trois ans. Selon lui, le couple a investi d’importants fonds communs lors de trois rénovations de l’appartement, et l’épouse ne lui a jamais fait part de son intention de ne pas partager le bien.

L’épouse prétend en revanche que l’époux n’avait en rien contribué à l’amélioration de l’appartement, dans lequel seules des rénovations habituelles avaient été effectuées. Selon elle, la durée du mariage n’est pas liée au droit de propriété, et l’époux  n’a pas prouvé une intention spécifique de communauté.

Le juge Erez Shani du tribunal aux affaires familiales de Tel Aviv a rejeté les prétentions de l’épouse et fait droit à celle de l’époux.

  1. La Cour suprême a rendu un avis concernant une question similaire au mois d’août 2021 dans laquelle elle a déterminé que dans les mariages durables et harmonieux, la règle de communauté pouvait également s’appliquer à des biens propres ayant été enregistrés pendant le mariage au nom d’un seul des époux, et ce, tant qu’il n’a pas été prouvé que celui-ci n’avait pas l’intention de le partager avec l’autre conjoint.

Cette affaire concernait un couple ayant été marié pendant 58 années complètes, entre 1960 et 2018, durant lesquelles ils avaient eu 5 filles.

L’époux est décédé en 2018 et a laissé un testament dans lequel il a déclaré léguer à son épouse leur appartement  et 180.000 ₪.

Cependant, l’époux a également indiqué dans son testament qu’il léguait un autre appartement uniquement à ses 5 filles, à parts égales. Il a, en outre, demandé à ce que ses droits dans un terrain à Hadera dont il a hérité de son père et un terrain à Kyriat Ono qu’il a reçu par donation de son père, ainsi que le reste de son argent et de ses biens, ne soit divisé qu’à 3 de ses 5 filles, à parts égales.

La veuve a saisi le tribunal aux affaires familiales afin d’obtenir une ordonnance qui la déclare associée, en vertu de la règle de communauté, à l’ensemble du patrimoine accumulé par son époux durant leur vie maritale, y compris les biens propres, ce qui inclut tout le patrimoine inscrit uniquement au nom de l’époux à l’exception du terrain de Hadera qu’il a hérité de son père. La procédure s’est enchaînée jusqu’à arriver devant la Cour suprême.

L’applicabilité de la règle de communauté des biens propres sera déterminée en fonction des circonstances de l’espèce

La Cour suprême a précisé que dans différents arrêts qu’elle avait rendus par le passé, bien qu’aient été exprimées des opinions différentes et hétérogènes concernant l’applicabilité de la règle de communauté des biens propres, toutefois il a également été déterminé dans ceux-ci que cette question sera examinée en fonction des circonstances de l’espèce y compris en tenant compte de la qualité des liens du couple pendant leur vie maritale, de la nature des biens propres ainsi que les circonstances dans lesquelles l’un des époux en a eu possession.

La Cour suprême a confirmé la position de la cour d’appel, qui s’est fondé sur l’absence de consensus de la jurisprudence dans tout ce qui concerne l’applicabilité de la présomption de communauté des biens propres, mais elle a dans le même temps indiqué que, dans les circonstances uniques de l’affaire en question, en mettant l’accent  sur la durée prolongée du mariage du couple, il y avait lieu d’appliquer la règle de communauté également concernant les biens propres de l’époux.

La Cour suprême a confirmé la position de la cour d’appel qui se fondait sur la gestion financière et familiale du couple durant leur vie maritale et sur les preuves apportées par les parties dans le cadre de la procédure, tout en accordant de l’importance au silence du défunt et au fait qu’il n’a pas précisé à la veuve, même par un document ou par le biais de toute autre indication, qu’il ne la considérait pas comme étant associée à tout le patrimoine accumulé, pendant leur vie commune, résultant des donations qu’il a reçues de son père et qui ont été enregistrées à son nom uniquement.

En conséquence, il a été déterminé que la veuve avait également droit à la moitié du patrimoine que le mari avait légué à ses filles dans son testament.

En conclusion: 

Il est vrai qu’il est difficile, au début du mariage, et même durant celui-ci, de signer des accords liés aux rapports financiers entre époux, mais il semble que l’approche qui privilégie la transparence et la clarté soit préférable et ce, afin d’éviter des litiges futurs qui feront mal au cœur ainsi qu’aux finances.

Article paru dans Israël Magazine

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